Julie
« J’ai 17 ans, les cheveux courts, bleus, une crête, quand je m’assois dans le fauteuil du coiffeur de la marine nationale de Yers. À côté de moi, il y a un type avec des dreads. Quand il comprend où il est, il se lève et s’en va. Je m’en rends compte qu’on est tous largués dans mon groupe, ça me rassure…
C’est bien après et une vie plus tard que je découvre le surf. Un hiver, en décembre, le froid et un grand sentiment d’échec. Mais je me m’accroche… »
« Quand je commence le surf, j’habite loin de la mer. Alors, les weekend, je pars parfois à 3h00 du mat pour choper la marée de 7h00. Malgré les 4h aller-retour, je surfe été comme hiver.
Je commence à sentir que ça prend de plus en plus de place dans ma vie, parce que j’y pense de plus en plus, parce que je commence à mentir à mes copines pour aller surfer… Je m’isole un peu plus. J’annule des week end avec les potes. L’envie de surfer est plus forte.
Même si 3h de route c’est plus sympa avec des amis, je me fais de plus en plus souvent le trajet seule. J’arrive sur spot, je surfe, je bois un café et je repars.
J’ai 32 ans, je prends un chien et je viens m’installer au bord de l’océan. »
« Des fois j’ai froid, des fois j’ai mal, mais je reste quand même et j’y retourne. Le surf qui m’amène doucement à vouloir me dépasser, vouloir avoir accès à des choses en moi, les faire évoluer, les faire changer. J’ai besoin de me faire malmener dans l’eau, besoin de sortir de ma zone de confort. Certains surfeurs réussissent à se donner des limites, à ne pas surfer l’hiver par exemple. Moi je n’y arrive pas. Parfois je suis en soirée, avec des gens, mais je repense à une session. Je suis là, mais je suis pas vraiment là. Parfois, je sais pas bien quoi raconter. J’ai l’impression d’être en décalage. Le surf vient soigner quelque chose en moi. Quand je vais à l’eau, je ne suis plus maman, je ne suis plus compagne, je réussis à ne plus penser. »
« La personne avec qui je vis m’a déjà dit : « des fois, j’imagine que je vais rentrer et que tu ne seras plus là, que tu seras partie, sous la spontanéité ». Depuis qu’on a un enfant, ça se calme, mais des fois, je sens encore cet appel… »
« Si j’avais pas ça dans ma vie, je sais pas ce que je ferais, je sais pas où j’en serais… »
Aurel
« J’ai été un clochard du surf. J’ai toujours sacrifié les choses, quitte à rester au bout d’une impasse. Je préfèrerais crever que de ne pas avoir la liberté d’aller surfer »
« J’ai grandi à la Réunion. Dans la cour de la gendarmerie, dans laquelle j’habite avec ma famille, je passe mes après midi à tenter de re-plaquer des figures de skate. Dehors, un groupe d’adolescents réunionnais m’invitent à travers la grille, à venir partager avec eux leur terrain de jeu. Un jour j’ai sauté le pas et je les ai rejoins.
Ces mecs étaient plus âgés que moi, j’ai vite été leur mascotte. Ils m’ont appris le créole et fait découvrir la ville et la plage des Roches Noires… C’est là que tout a commencé. »
« Plus tard, mon père a été muté et on a déménagé dans les Côtes d’Armor. J’étais l’un des seuls gamins à surfer dans le Nord, mais aussi l’un des seuls à avoir une maman qui nous filmait moi et mon frère lors de toutes les compétitions, tous les week end. Elle a complètement dédié sa vie pour ses enfants. C’est grâce à ma famille, à la structuration du surf breton et à mes coachs que je suis devenu leader dans ma pratique »